La poussée du commerce Russo-Chinois met la pression sur le Pétrodollar

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Les sanctions économiques faisant chou blanc, les derniers chiffres du commerce russo-chinois devraient déclencher les sirènes d’alerte aux États-Unis. En mai 2017, les Russes et les Chinois ont convenu de porter leur commerce bilatéral à 80 milliards de dollars d’ici à fin 2018.

Eh bien, ils sont en avance d’un an sur le planning.

Les chiffres officiels de 2017 atteignent 84,07 milliards de dollars.

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Juste en décembre, ils ont fait pour plus de 8,1 milliards de dollars d’affaires. Avec l’entrée en service du nouvel oléoduc ESPO reliant la Sibérie à la Chine, oléoduc qui double le volume de pétrole importé par la Chine, en le faisant passer à 600 000 barils par jour, nous allons voir se poursuivre la montée de ces chiffres.

Et c’est la clé. Rappelez-vous que l’énorme contrat gazier de 400 milliards de dollars, conclu entre la Chine et Gazprom en 2014, n’est pas encore entré en fonction. Le premier pipeline Power of Siberia ne sera pas achevé avant 2019, et il est prévu de le compléter par un second pipeline.

Et le mois dernier, les deux pays se sont mis d’accord pour construire un troisième gazoduc pour acheminer le gaz de l’Extrême-Orient russe.

Comme ça, malgré la médisance des médias occidentaux à propos de la rentabilité de ces projets, les deux pays vont de l’avant et renforcent toujours leurs liens naturels.

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Prenez ça dans les dents

Nous sommes maintenant à une semaine du négoce des contrats à terme pétroliers libellés en yuan du Shanghai International Energy Exchange (INE). Tout sera opérationnel le 18 janvier.

Et bien que cela ne changera pas du jour au lendemain la face des contrats à terme sur le pétrole, cela commencera à prendre la place de marchés en dollars. Cela améliorera aussi la liquidité du yuan à l’étranger ainsi que la visibilité du pétrole russe sur le marché mondial.

Le contrat shanghaïen porte sur le brut moyennement acide, proche de la qualité des pétroles produits principalement en Russie. Le brut de l’Oural est considéré avoir une teneur moyenne d’acide. L’Arabie saoudite et la plus grande partie de l’OPEP produisent des pétroles acides (plus riches en soufre avec un pH plus bas). La réduction de la production de l’OPEP, que la Russie a accepté de suivre, touche surtout ce marché.

Le WTI et le Brent sont des références de bruts légers non corrosifs, comme celui des producteurs de schiste étasuniens, du Venezuela, du Nigeria et de Libye. Le contrat shanghaïen est donc conçu pour évaluer correctement les autres qualités de pétrole, qui sont inadaptées aux raffineries étasuniennes.

Et pour cette seule raison, le contrat shanghaïen sera un concurrent majeur sur la durée. Le marché pétrolier actuel est très fragmenté parce qu’il n’y a pas de marché à terme direct pour les pétroles bruts acides.

Le contrat shanghaïen change la donne. En plus, l’avantage de sa convertibilité en or, via le Shanghai Gold Exchange, donne à ce marché un crédit immédiat.

Ses effets ont été d’une part surestimés par les défenseurs de la monnaie métallique, et minimisés de l’autre par les analystes financiers établis.

Il est important de retenir que la Chine a créé le premier concurrent inattaquable et non secret du dollar dans le commerce pétrolier. Pour briser le monopole mondial du dollar dans le règlement du pétrole, il fallait qu’un contrat légal soit émis par un pays à l’abri d’une invasion immédiate et d’une opération de changement de régime, comme cela a été le cas en Irak et en Libye.

La Russie est gagnante, car la qualité du pétrole de l’Oural a désormais le moyen de devenir une référence internationale à l’image de WTI et Brent. Et puisque Gazprom préfère aligner le prix de ses contrats gaziers de longue durée sur le prix du pétrole, qui prend le pas, plutôt que sur le prix plus volatil du gaz naturel, c’est aussi une victoire à long terme pour eux.

Grâce à la convertibilité en or de ses obligations d’État, la Chine peut élargir les marchés de sa dette souveraine en rendant ses obligations moins risquées. La non-convertibilité de la monnaie yuan est un grand handicap qui empêche d’en détenir. Ainsi, la convertibilité en or des obligations crée une voie de sortie viable.

Un moyen en guise de fin

Les échanges commerciaux en hausse entre la Russie et la Chine doivent aller bien au-delà des hydrocarbures pour que leur partenariat puisse prospérer. Le commerce du pétrole n’est qu’un moyen permettant d’établir un flux de capitaux essentiel entre les deux pays. Cela facilite l’accès des entreprises russes au capital chinois et vice versa.

Et cette rapide montée du commerce bilatéral est nécessaire face aux sanctions économiques plus graves que les États-Unis imposeront probablement le mois prochain à la Russie. Le moyen d’éviter les sanctions consiste à trouver d’autres façons de mener les affaires.

Les États-Unis vont continuer à sanctionner les banques russes et les oligarques financiers pour freiner la croissance économique en réduisant la capacité à se procurer des capitaux étrangers. Et, répétons le, c’est la raison pour laquelle la Chine est si importante pour la Russie.

Car plus les États-Unis séviront contre les Russes, plus ces derniers se tourneront vers leurs partenaires chinois pour qu’ils les aident, et qu’importe le ton pompeux du discours du Président Trump, puisque les États-Unis n’osent pas sanctionner la Chine.

La Chine a annoncé la semaine dernière qu’elle n’amasserait plus d’actifs du Trésor étasunien. Cela veut vraisemblablement dire qu’elle ne recyclera plus son excédent commercial aux États-Unis pour faire cesser l’évaluation du yuan par rapport au dollar.

Cela a été fait au cours de l’année dernière, alors que le dollar baissait constamment. Mais cette vague touche à sa fin avec le revirement de la politique de la Fed et le projet de loi de réduction d’impôts initié par Trump. La hausse des taux étasuniens permettra à la Chine de céder ses avoirs du Trésor à son gré sans trop affecter le yuan, tout en augmentant la liquidité du yuan grâce à son marché obligataire désormais convertible en or.

Les dollars détenus par la Chine serviront à financer l’initiative One Belt, One Road et ses activités commerciales à l’étranger. Je suis sûr que si une nouvelle crise de sanctions frappe la Russie, la Chine sera là pour fournir des liquidités en dollars, tout comme en 2015.

Les deux pays saisissent parfaitement les enjeux et persévèrent à prendre de bonnes décisions visant à soutenir l’évolution de l’environnement macroéconomique. Le marché des obligations étasuniennes étant sur le point d’être baissier, les conditions sont réunies pour que la Chine déploie son énorme épargne afin de poursuivre la refonte du continent asiatique.

Original : tomluongo.me/2018/01/12/surging-russian-chinese-trade-pressures-petrodollar/

TraductionPetrus Lombard


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